question morale



Parfois il me semble que la question morale ne s’est réduite qu’aux complications de la protection sexuelle.
Je ne cache pas mes deux relations, et je ne compte pas le cacher. J’ai attiré quelques attitudes étonnantes parmi mes amis ou mes connaissances, souvent des paroles dures et des éloignements moralisateurs. Je n’ai pas flanché, et je ne dirai pas que je n’en ai pas souffert, mais la souffrance morale m’apparaît comme la nécessité de réfléchir à ses propres choix et de les confirmer, en quelque sorte c’est sortir de la névrose. J’ai passé cela, je n’en souffre plus, et la période a été propice à des questionnements profonds, ceux-là même qui vous font toucher du doigt, vous rendent palpables les contours réels de votre être.
Parfois j’aurais préféré aussi ne pas avoir eu à rencontrer ces questionnements de soi, ni à me justifier face aux autres avec autant de force. Parce que l’homme que j’aimais / j’aime uniquement vivait / vit une relation adultère avec moi, et que je ne me voyais pas réduire ma vie de femme à une vie de maîtresse ni renoncer à un amour qui me construisait / construit, je me suis engagée dans une voie dont je ne mesurais pas le long cheminement.
Aujourd’hui encore, je n’en connais pas les risques, ni les conséquences – et les changements interviennent dans les domaines les plus complexes et inattendus, à tous les niveaux de mon amour, dans des questions de la sexualité et du désir, interviennent dans la construction de ma personnalité de femme adulte, dans ma position dans la société, m’engagent même parfois dans un combat féministe, et mon regard sur les hommes change incroyablement aussi. Je ne mesure pas l’étendue de ce qui s’enclenche.
Avec l’un je ne me suis jamais protégée et n’aurai jamais à me protéger, c’est ainsi que notre relation a commencé. Avec l’autre nous nous sommes protégés toujours, bien que j’ai souvent évité le rapport à proprement dit sexuel, la branle et la sucée venant souvent remplacer la pénétration qui me plaît moins avec lui parce qu’il n’aime pas les capotes du tout – mais parfois cela ne suffit pas. Quand le second m’a demandé si un jour bientôt nous pouvions passer à des relations non protégées, la question morale s’est posée pleine et vitale. Une vraie question morale. Il n’en sera question que lorsque nous nous serons réunis tous les trois pour en discuter ouvertement. D’ici là, je reste la seule responsable.