insensées sur la route




La première lecture de "Oedipe sur la route" de Henry Bauchau avait eu lieu pendant l'adolescence, une lecture en diagonale, en désordre, en profondeur, j'étais éblouie par Oedipe, effrayée par son chemin et sa détermination, sa folie dyonisiaque. Aujourd'hui je le relis, horizontalement, de la première à la dernière page, et aujourd'hui je suis Antigone, la frêle Antigone, et c'est elle qui m'éblouit.


Comme elle je me sens élancée dans la vie, j'avance - inflexible, et tous ces moments de doute et de déchirements, ce sont les hommes que j'accompagne, aux hommes que je me cogne, par leur violence je révèle la mienne, dans leurs faiblesses je découvre les miennes plus profondes encore, devant leur admiration je mets en oeuvre mon énergie, toutes mes blessures, larges entailles, sont de l'action de leur corps et de ma volonté, je les suis dans leur folie, les assiste, leur obéis et je m'oppose à eux. Je les contiens et les affine, je les vaincs parfois, je les rappelle à la vie, ils me protègent de tout et de tous, mais jamais d'eux-mêmes. Avec eux je fais mes armes, contre eux, avec eux, pour moi, dans l'avancée forcenée. Vers le présent je les mène, vers l'avant ils me portent.


Avec eux je crée. Pour eux je crée. En eux aussi. Ils me déploient

- je canalise les flots impétueux de leur brutalité contenue. Roseau, je plie, je me relève.


Quand Oedipe se délivre de la culpabilité, Antigone l'accompagne. Il la délivre du passé.


Antigone...ma soeur, si tu savais dans mon amour pour eux, ce que je crains, ce que j'exulte - nous avançons.


Petites et grandes - à la fois. Fragiles, lionnes. Gazelles, furies. Colère, tendresse. Refus, acquiescement. Eclairées, apeurées.


Comme toi j'ouvre les yeux, tout grand la conscience - j'ai choisi.


photo - Francesca Woodman

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