...Tombent les nuits à la lueur de bougies qui fondent...(réécrit)


Il faudrait que je me fasse une raison peut-être, et personne entre lui et moi ne m'enlèvera la solitude que son éloignement parfois inspire. Oui, peut-être est-ce cela, la solitude que je tente de fuir sans chercher à nous séparer est tout simplement intrinsèque à nous. Elle est une partie irréductible de nous.

Est-ce lui qui a oublié me dire qu'il partait en vacances, est-ce moi qui ai oublié qu'il m'avait prévenue. Il y a bien eu oubli. L'un de nous, peut-être l'autre aussi, a pris l'information et lui a coupé les cordes vocales et les racines, puis l'a déposée dans un coin, aphone et immobile, et l'a recouverte d'oubli.

L'amour me rend vaniteuse en secret.

Parfois devrais-je penser notre relation en termes de luminosité, non de silence. Nous mettons à l'ombre les troubles, nous jetons la lumière sur les parties et l'infime, nous couvrons et découvrons, nous recouvrons d'obscurité, nous éclairons, nous éteignons - des éclairs, je les entends.

J'entends la lumière qui fond sur les toits ruisselants, le goût gris, humidasse, de la solitude.

Les portent claquent comme des fusils en chasse et plus loin encore dans les intérieurs des volets battent leur coulpe. Les lieux entiers ressentent à ma place quand trop sensible je clos les yeux.

Je m'écrie - connaissez-vous la peur des funambules qui découvrent soudain qu'ils le sont ?
Elle a répondu : - et qui ensuite se bandent les yeux pour ne plus voir ?
- ou se crèvent les yeux, peut-être...

L'absolu est parcellaire ; l'idéal, un miroir brisé. J'ai toujours cru que faire confiance était un acte d'abandon de soi, mais je comprends mieux que c'est la bataille.

D'où je suis sereine ?

...Que la lumière soit...

il est le lecteur du livre intime


Il sait lire dans beaucoup de mes silences comme dans un livre entre-ouvert ou un livre à ciel ouvert à la lumière de la pénombre qui s'avance.

Je m'étonne comme parfois il me devine, comme il me sait, et parfois il me sait sans le savoir. Alors je trésaille.

Il sait toucher du doigt l'essentiel de mes textes intérieurs. Il a l'analyse fine.

Il ne sait pas souvent interpréter. Il a tous les éléments en main pour une traduction parfaite et je bouillais autrefois les cartes. Il m'interprète moins bien qu'il ne me sait, mais il garde dans l'interprétation la justesse de la ligne parallèle et épouse mes formes avec exactitude - le même écart régulier, le même rapprochement infini.

J'ai l'imagination débordante des silences qui s'imposent à ma compréhension, il a la conscience d'un historien qui répertorie et classe, et la discrétion de ceux qui savent vraiment.
Et la fierté de ceux qui savent et conservent le secret.

J'ai sous-estimé les silences des hommes.

Peut-être sous-estimé-je leur amour.

Et leur douleur.

remind me


Nous avons rompu un des silences - sa compagne a un prénom, des horaires, une personnalité. Surtout, elle a des frustrations amoureuses et des frustrations de femme. Et c'est mieux ainsi, aussi. Nous avons rompu une des digues, et cela m'a éclaté à la figure, pas avec la première vague, mais j'ai été emportée par le ressac.

L'eau a remué sur ma peau, mes os ont résisté à la pression folle,j'ai fermé les yeux en serrant les paupières du mieux que je pouvais, j'ai cessé de respirer et j'ai attendu que les secousses cessent. Puis le calme s'est abattu comme une rafale, et dans le silence des bribes de phrases flottaient telles des épaves soumises aux courants lents et hasardeux.

Je ne peux m'empêcher de penser aux villages laissés à l'abandon sous les lacs artificielles, une église avait tenu debout, plus haute que le niveau de l'eau paisible, là-bas quelque part sur les hauteurs des Pyrénées.

J'ai rompu la digue, et le flot ne s'est pas fait prier, j'avais juste à rompre le silence, il a suffi de rien, mais j'étais prête. Mais je comprends mieux maintenant pourquoi je n'ai jamais éprouvé de jalousie pour elle. L'intuition nourrit l'inconscient parfois avec justesse.

Quelques jours plus tard nous pleurions sur le trottoir, entre joie et tristesse, bonheur et angoisse, moi sur le visage, lui quelques suintements dans son intérieur. A l'oreille il a murmuré "ne m'enterrez pas si vite"...mais ce n'est pas mon intention. Je suis sur une chaise électrique et je le regarde s'enterrer tout seul.

- j'avance tout simplement, vous comprenez ?
- mais moi je n'avance pas...me répond-il.

Si seulement il était encore un homme à pleurer, ne serait-ce qu'une larme...il se serait senti moins seul.

Rien ne l'empêchera de me rejoindre sur le chemin qu'il a dégagé pour moi.

Nos mains sont croisées l'une dans l'autre. Je ne lâcherai pas.

Je nous dépouille de l'illusion, je voudrais notre essence - cultiver. Et la liberté de chacun.

Je ne joue pas, mais je pourrais le perdre peut-être - à pile ou à face.

Souvent les hommes sont plus égoïstes que les femmes, au fond.



"Remind me

Not to find you so attractive

Remind me

That the world is full of men"
(By Nina Simone)