Le silence des profondeurs

Nous faisons l'amour dans la stupéfaction, et plus nous avançons dans la possibilité du plaisir immense, plus nos corps s'engourdissent et supportent leur poids l'un sur l'autre.

Nous faisons l'amour couchés le plus souvent, sans modernité peut-être, et avec modernité nous savons le faire et le faisons très bien, il y a juste que nos corps s'abandonnent l'un à l'autre, s'engloutissent, confondent leurs peaux, et je connais le poids de son bassin sur mon visage, il connaît la lourdeur de mes seins, l'inertie de ses reins, la lenteur de nos langues quand elles s'engouffrent jusque dans la maladresse nouvelle.

Nous sommes des mouches, de la pâte molle, du miel, de l'argile humide et collante, nous nous façonnons et nous déformons, nous nous confondons et nous liquéfions - et quand nos lèvres se referment sur elles-mêmes nous sommes un circuit parfait de liquide et d'air.

Nos bouches happent, l'oxygène se raréfie dans le va-et-vient de ses bronches aux miennes, des miennes aux siennes, cercle fermé - les pores se dilatent, et mon sexe s'ouvre, et le sien se noie.

Il n'existe que le flux qui de lui à moi à lui nous enivre et nous diminue - corps unique et partagé, hydre aux deux nombrils, monstre de l'amour à cent lieues saoûl. L'oxygène se raréfie et la salive s'accumule dans les poumons.

Lui, il me gonfle et me dégonfle le thorax comme un sac en papier en réanimation - moi, je remplis et désemplis ses poumons comme une bouteille d'oxygène en plein océan.

(Parfaite autarcie.)

Nous sommes l'androgyne au souffle rauque dans un silence d'océan.

5 commentaires:

A@T a dit…

ça fait du bien de te lire à nouveau mais qu'est ce que je peux me sentir petite et intimidée, c'est terrible, il faut oser commenter chez toi sans se sentir "nul" :)

Anonyme a dit…

oh, tu me fais sourire avec cette histoire de modernité... la formule elle-même si désuète... qui vient se heurter au souvenir de scènes si sauvages...

Anonyme a dit…

Vous signez là un superbe texte, vous savez mettre en mots ce que je vis!

Anonyme a dit…

Ravie de retrouver le chemin de tes mots... "nouaison" magnifique...

... a dit…

a@t : sourire - tu sais ce que j'en pense...tendres pensées.

Julip : je pensais à la terrible destinée du missionnaire, qui pourtant à ces avantages amoureux...

Le diable amoureux : vous a-t-elle (ou il) au corps...?

narracoeur : ravie vraiment que vous ayiez poussé la chansonnette jusqu'ici...