you know you I am... - I'm the distance you put between...

Au mot infidélité je préférerais le mot accomplissement.

Je regarde la place et les frustrations, je l'écoute me dire hier "Oui avez l'air étrange, de la gravité peut-être, oui je crois que c'est cela, de la gravité. Peut-être que nous ne nous voyons pas assez". Il y a longtemps qu'il sait que nous ne nous voyons pas assez. Et je pense à ma crise après son retour du Nouvel an.

Je vois défiler les deux mails que j'ai reçus de je-ne-sais-qui, le dénonçant lui et ses amours, je ne les ai pas lus, juste parcouru rapidement à la vitesse de mon coeur qui explosait de trouble, et pourquoi n'était-ce pas lui qui me le racontait, et pourquoi un étranger ou une étrangère. Après tout cela non plus ne me concernait pas. J'aurais voulu l'entendre de sa voix à lui. Puis il m'a assuré que non. La question n'était plus de le croire ou non. En amour on ne croit pas, on vit des nécessités intérieures, la pression des hormones, les ambiguïtés de l'âme, les désirs insoupçonnés.

L'infidélité commence par ce qui se tait. De coucher ou d'aimer quelqu'un d'autre, ne plus aimer ou aimer aussi - cela n'est pas infidèle. Humain peut-être. Mais ces deux mails, c'était un canular, peut-être. Une intention malveillante. J'ai regardé au fond de la main le faisceau de liens ciselé jusqu'au dernier. Il est revenu de vacances, et j'avais perdu le goût du sexe, puis j'ai joui pourtant dans la grande humidité dont mes pores et mes fentes sont capables. Il m'a taquinée un peu, "c'est ainsi que vous perdez votre libido, vous ?!". Dans l'autre main je n'avais compris qu'avaient poussé d'autres liens, un autre faisceau de fils qui me reliaient à lui dans le silence le plus profond. Du lin nous étions passés au cuir.

Avec lui j'ai pris le goût de l'amour et repris de l'attachement. J'ai pris le goût de la jouissance extrême. Lui me remplit - et ce n'est pas seulement une histoire de taille ou de technique. C'est une question de rencontre d'âmes. Il y a des milliers d'années que je le cherchais. Et plus de vies antérieures encore. En lui j'ai trouvé le repos de l'exil. Mon homme, mon île, mon espoir - des mots remplis de sens. Il est une géographie, une culture, la familiarité.


Je n'ai pas trouvé l'arrivée ultime. Notre relation adultérine. The other women. His other life. His independance.

And mine -

Comme si notre rencontre avait eu lieu une seconde de retard de trop. Comme si la toile que j'ai tissée rejoignait la sienne par parcelles et ne le recouvrirait jamais.

Mon Dieu que cet homme est indépendant - et c'est par lui, toujours malgré sa volonté, que je construis mon indépendance de femme. Je marche, et lui il est l'être immuable, l'être immobile. Celui qui recueille. Celui qui observe. Celui qui me sait - et il m'a dit hier "vous voyez, je commence à bien vous connaître", et mon âme a explosé de joie et de reconnaissance. Il est mon tout, mon désir, mes envies, il est ce que je désire. Oui, il me connaît, il me devine, il me sait -

Aujourd'hui j'ai pleuré dans le métro. De bonheur. Exactement comme la fois où j'ai ressenti le désir d'un enfant de lui, il y a près d'un an. De trouble. De la douleur du manque. Du vide en soi. C'est aussi cela le bonheur qui se manifeste. Du manque que j'ai comblé. Du "je t'aime" que j'ai entendu dans la voix d'un autre homme et que je n'ai pas cru.

De l'évidence que mon homme sera toujours mon homme, et que je ne voudrai pas le perdre.

Pour cela il m'aura fallu le deuxième homme. Celui trivial. Celui du quotidien. Pour lequel l'amour n'est pas évident. Qui ne me remplit pas. Mais qui m'accompagne. Auquel mon homme m'a mûrie, et vers lequel sans savoir il m'a poussée.

J'avance mais j'ai peur. J'ai peur mais j'avance - je chante, Barbara, avec toi.

Mais le perdre, mon homme, pour rien au monde - ni mon amour et ma patience pour lui, ni son amour et sa clémence pour moi.

A ses pieds je pousse. Grave.

"je ne vous empeche de rien, ne vous autorise à rien"


Un jour je lui ai écrit que c'était incroyable ce qu'il laissait de la place aux autres hommes dans ma vie parfois. Il a répondu : "la place à d'autres hommes, ce n'est pas moi qui la laisse. C'est vous.". J'ai dit non, puis je me suis tu, quelque chose me gênait, je ne croyais pas vrai ce qu'il me disait, ni réel. Un jour j'ai été séduite par un autre homme (que je n'aurais pas pu aimer immédiatement), j'ai dit à cet autre homme "dans d'autres temps je t'aurais suivi" et il m'a répondu "oui je sais tu es love de ton homme", j'ai trouvé le formulation un peu curieuse. Peut-être ne savait-il pas ce que j'éprouvais exactement pour l'homme que j'aimais, alors c'est cette formulation étrange qui lui est venu à l'esprit.

Il a dit ensuite "à d'autres temps d'autres moeurs". Oui effectivement. Pour la première fois, je prononçais ma fidélité comme un engagement, comme un choix libre, j'étais fière. Mais pour la première fois je la mettais réellement à l'épreuve, et l'épreuve s'appelait le doute.

C'est soudain que j'ai compris que je ne "laissais" pas la place libre à d'autres hommes, c'est que cette place "était" là, qu'elle m'accompagnait, qu'elle s'était créée au contact de mon homme en naissance avec l'amour pour lui et pour nous, qu'il y avait un désir d'un engagement à double sens, un désir fort de projeter. Et que cette place je ne la laissais pas, elle était là, existante, évidente, réelle - que le désir flirtait avec le manque.

Que la place était à prendre ou à laisser. Qu'elle lui était désignée en priorité, puis qu'il faudra l'occuper un jour, tantôt.

Moi aussi je veux être comblée. Peu à peu je commence à dessiner les contours fermes de ce que je désire.

aboli bibelot d'inanité sonore...

Le langage serait les signes d'un intérieur vers l'extérieur, puis de l'extérieur vers l'intérieur, de l'incohérence vers le réel, de l'établi vers la confusion. Serait le signe du lien.

Le langage pourrait être pathétique, le dernier moyen de détresse pour relier le profond à la superficialité, le pesant au retournement. Le dernier recours aux détails de vie, sinon demeurent les gestes et l'action - ne sont-ils beaux les pantomimes, ne fait-on parler les marionnettes. La signifiance sans le langage n'aurait plus été ce qui a du sens, mais ce qui a de l'intérêt.

Et si l'on a voulu à l'aube d'une humanité gagner du temps avec le langage, bientôt on pensera en perdre - et actuellement fragmentons le langage et autre communication optimale. On perd du temps quand on ne lui colle pas au corps. On perd du temps quand on s'en écarte - sait-on seulement comment prendre à corps le temps.

Aucun amour, qu'il se pense partagé ou manqué, ne produit une adhésion au temps. Mais il espère désespérément adhérer au mouvement, à l'écart minimal, ou parfait - si possible seulement. Idéal de silence réduit au néant ("qui s'honore").

L'amour aura toujours voulu abolir le langage - écarter les différences et les limites. Confondre la superficialité. Evaporer la solitude.

C'est que l'amour aura toujours voulu s'abolir.

Le silence des profondeurs

Nous faisons l'amour dans la stupéfaction, et plus nous avançons dans la possibilité du plaisir immense, plus nos corps s'engourdissent et supportent leur poids l'un sur l'autre.

Nous faisons l'amour couchés le plus souvent, sans modernité peut-être, et avec modernité nous savons le faire et le faisons très bien, il y a juste que nos corps s'abandonnent l'un à l'autre, s'engloutissent, confondent leurs peaux, et je connais le poids de son bassin sur mon visage, il connaît la lourdeur de mes seins, l'inertie de ses reins, la lenteur de nos langues quand elles s'engouffrent jusque dans la maladresse nouvelle.

Nous sommes des mouches, de la pâte molle, du miel, de l'argile humide et collante, nous nous façonnons et nous déformons, nous nous confondons et nous liquéfions - et quand nos lèvres se referment sur elles-mêmes nous sommes un circuit parfait de liquide et d'air.

Nos bouches happent, l'oxygène se raréfie dans le va-et-vient de ses bronches aux miennes, des miennes aux siennes, cercle fermé - les pores se dilatent, et mon sexe s'ouvre, et le sien se noie.

Il n'existe que le flux qui de lui à moi à lui nous enivre et nous diminue - corps unique et partagé, hydre aux deux nombrils, monstre de l'amour à cent lieues saoûl. L'oxygène se raréfie et la salive s'accumule dans les poumons.

Lui, il me gonfle et me dégonfle le thorax comme un sac en papier en réanimation - moi, je remplis et désemplis ses poumons comme une bouteille d'oxygène en plein océan.

(Parfaite autarcie.)

Nous sommes l'androgyne au souffle rauque dans un silence d'océan.

ma tête de noeuds

En lisant là un article sur l'anima et l'animus me vient à l'esprit une évidence : ce qui me perturba longtemps dès notre rencontre, me tortura aussi l'esprit et éveilla un système instinctif de défense, une résistance, dans la part la plus reculée de mon être (cet au-delà du langage), a été que je projetais certaines formes d'attente en lui et que lui décidément semblait ne rien attendre quoi que ce soit de moi, bien qu'il fût fidèle à nos rendez-vous et d'une sincérité désarmante dans son désir et dans son amour pour moi - il n'attendait rien.

Cette résistance, sorte de noeud vivant et autonome, me jetait dans une complexité de contradictions, que je qualifierais presque de féminine, et me rendit sans aucun doute à plusieurs reprises injuste envers lui, ou du moins étonnamment agressive.

Ce qui s'animait en silence dans cette part de non-dits, de "dire progressif" - magma où les mots et la conscience prennent réalité, là où s'érigent le sens et l'intelligence -, provenait de l'incompréhension et du refus inconscient de quelque chose. Quelque chose qui rendait évident un défaut de confiance.

Il était la tranquillité et j'étais l'inquiétude, et une inquiétude qui se nourrissait fébrilement de sa tranquillité incompréhensible.

Une pression.

Cela a évolué, le noeud s'est détendu. Mais le mystère demeure.

Il y a là de quoi gratter, et je le ferai. Creuser pour fouiller, creuser pour enterrer, ou -

des sphères et une d'influence

Dans ses silences - ce qui n'est pas dit.
Dans mes silences - ce que je ne sais pas taire.
Dans nos silences - tout ce qui se suffit.

(schématiquement)